Impliqué dans les transitions depuis une quinzaine d’années, j’ai connu des périodes de joie et de passion intense, mais aussi des périodes de doute et de fatigue. J’ai pu observer ces cycles chez beaucoup de personnes et groupes que j’ai rencontrés ou accompagnés.
Comment retrouver énergie et passion quand on est dans le creux de la vague ?
Beaucoup de personnes qui s’engagent en faveur de changements positifs y mettent de la passion, du cœur, du temps et de l’énergie. Cet engagement est source de satisfaction et de bonheur, car il a du sens dans le monde d’aujourd’hui et nous nous sentons utiles. Il nous permet aussi de rencontrer des personnes avec qui nous partageons certaines valeurs et parfois aussi une forme de vision du monde.
Avec le temps, il peut arriver qu’un essoufflement s’installe. En cause ? Les difficultés rencontrées sur le chemin (il y en a toujours), et la tendance à parfois en faire trop, à ne pas prendre suffisamment soin de son équilibre de vie.
L’importance des cycles
Dans les milieux de la transition, il y a souvent une intention de développer des actions et projets dans une dynamique permaculturelle, régénératrice des écosystèmes. De manière schématique, sur un terrain cultivé, cela va se traduire par la recherche d’équilibre entre la productivité et la régénération des sols. On va nourrir le sol et sa vie de diverses manières pour ne pas l’épuiser, et pouvoir continuer à avoir un rendement sans dégrader le sol. Au niveau humain, on oublie souvent d’appliquer cette logique à son engagement. Or, si nous ne nourrissons pas notre énergie vitale en retour de l’énergie que nous donnons, nous l’épuisons progressivement.
Il ne suffit pas de comprendre l’importance du respect des cycles de la vie, de comprendre l’importance d’avoir des temps de repos pour être capable de continuer à agir avec force et détermination. Il est nécessaire de le vivre, de donner une place à des moments de repos, de régénération et de reconnexion à soi dans nos vies.
Les grand·e·s sportif·ve·s qui font carrière en se blessant peu ont en commun de bien prendre soin de ces cycles d’entraînement, de compétition et de repos. Si nous voulons être acteur·ice·s de changement positif dans la durée, nous avons besoin d’apprendre à avoir une hygiène de vie régénératrice dans notre engagement.
Vers une culture régénératrice ?
De la même manière, nous avons besoin, en tant qu’être humain, de sortir de la spirale d’épuisement et de burn-out dans laquelle nous sommes entraîné·e·s par la société. Le mode de vie dominant auquel nous sommes soumis crée une épidémie d’épuisement et de dépression. Les humains y sont devenus des « ressources humaines » qui sont surexploitées, tout comme les ressources naturelles.
J’ai pu observer à de nombreuses reprises que cette dynamique de surexploitation peut aussi être pratiquée par nous même, sur nous même. La culture dans laquelle nous avons été socialisé·e·s, éduqué·e·s, se reproduit alors au travers de nos actes, souvent inconsciemment. Cette culture n’est plus adéquate au monde d’aujourd’hui. Elle ne permet pas de trouver des solutions aux enjeux actuels (climat, biodiversité, énergie, coût de la vie, migrations, pandémies, démocratie…).
Nous avons besoin de créer ensemble d’autres cultures, d’autres visions du monde qui seront composées d’autres croyances, d’autres imaginaires, d’autres comportements, d’autres formes d’organisations et d’institutions… Une culture qui soit une ressource pour les changements dont nous avons besoin face aux enjeux auxquels font face les générations actuelles.
La création d’une telle culture est favorisée par la participation à des groupes qui agissent pour les transitions positives. Ces groupes auront avantage à réserver des moments pour faire le point sur la dynamique interne, afin de repérer, déconstruire et remplacer les modes de fonctionnements hérités de la culture de surexploitation.
Se re-sourcer
Cette dynamique d’épuisement a aussi souvent pour impact de peu à peu nous couper de notre élan vital, de la source de notre engagement. Nous pouvons avoir le sentiment de ne plus sentir le cap, ne plus sentir clairement vers où nous voulons aller. Et dans cette situation, il est difficile de mobiliser des personnes pour ses projets, d’inspirer les personnes non actives à passer à l’action.
Il sera alors important de prendre le temps de se reconnecter à soi, d’aller retrouver la source primaire de cette énergie de vie qui nous a amenés à nous impliquer avec passion et bonheur, et à donner envie à d’autres d’en faire autant.
Les manières de réaliser cette reconnexion font partie du champ d’action de la transition intérieure. Chaque personne peut y trouver un chemin qui lui conviendra, qu’il soit individuel ou collectif. Avec une invitation à cheminer en conscience et prise de responsabilité de son emprunte écologique.
Pour ma part ce chemin de reconnexion était devenu une nécessité pour retrouver de l’élan et me sentir à nouveau plus vivant. Pour retrouver mon énergie de vie et ma passion. J’ai entamé ce chemin en pratiquant par exemple la méditation, en passant du temps à marcher dans la nature, par des rencontres, par des lectures, du sport… Ce chemin a aussi été soutenu et aidé par des moments accompagnés, des retraites de méditation et par des ateliers collectifs.
J’ai appris sur ce chemin que pour me sentir bien dans ma vie privée et dans mon engagement, pour être capable d’avoir un impact positif dans la durée, pour vivre de manière passionnée, je devais préserver plus de temps pour moi. Non par égoïsme, mais parce que si je ne suis pas capable de prendre soin de moi et de mon énergie, comment pourrais-je prétendre pouvoir prendre soin des autres ?
Incarner au mieux nos propositions
Si nous voulons passer un cap dans la transition. Si nous voulons mettre en place de modes de vie plus résilients et respectueux du vivant, nous avons donc besoin d’apprendre à incarner davantage ce respect du vivant, dans nos vies et nos projets. En commençant par nous même. Et en même temps, de pratiquer l’indulgence et l’humilité envers soi-même et envers les autres, autant que la détermination. Car il ne s’agit certainement pas ici de pointer du doigt les personnes en fonction de ce qu’elles incarnent ou non. Nous sommes en fait tou·te·s en chemin, personne ne peut prétendre incarner parfaitement ces principes. Chaque chemin est différent.
Et si nous invitions davantage la joie et la gratitude ?
Le fait que les enjeux actuels soient vitaux pourrait nous amener dans une posture de sacrifice et d’action sans jamais s’arrêter à la joie et la célébration, sans se permettre d’être heureu·se·s, et donc aussi en perdant le contact avec ce qui nous donne de l’énergie, nous passionne et nous fait vibrer,
À cela je voudrais répondre que la vie, c’est maintenant que nous pouvons en profiter. Il n’y a pas de « aujourd’hui je me donne à fond pour la transition et je serai heureux après »… Je nous invite à profiter de ce que chaque instant nous offre de beau et de bon, au quotidien.
N’attendons pas demain, ni les vacances, ni « le grand soir, quand la transition aura beaucoup progressé ».
Chaque jour, nous avons le choix de focaliser notre attention sur ce qui est difficile, sur des émotions inconfortables, ou au contraire sur des éléments qui peuvent entretenir notre énergie et notre passion, nous amener du bonheur et de la joie : que ce soit un sourire, une belle complicité avec des ami·e·s, une réussite dans un projet, croquer un fruit du jardin, observer un coucher de soleil, faire du sport, passer un bon moment en famille, vivre une savoureuse auberge espagnole avec des partenaires de projet… Nous choisissons où nous mettons et gardons notre attention.
Si vous êtes tenté·e, cette dynamique peut s’enclencher simplement en choisissant chaque soir d’identifier et ressentir 4 ou 5 éléments de sa journée pour lesquels nous ressentons de la gratitude. D’autres pratiques de transition intérieure peuvent soutenir ce cheminement.
Retrouver joie et passion
Entrer sur ce chemin de joie et de gratitude n’empêchera pas de vivre des émotions inconfortables ou des difficultés à certains moments. Simplement ces moments difficiles seront moins présents et influenceront moins nos vies, qui seront plus passionnées et plus joyeuses. Notre énergie en sera plus positive. Cette pratique permettra aussi d’entretenir ou régénérer notre énergie et notre passion.
Quand nous sommes connectés à notre élan de vie, à notre source, et que nous vivons notre passion dans une belle énergie, nous dégageons quelque chose d’hyper positif et attractif pour les personnes qui cherchent un sens à leur vie, qui veulent avoir une contribution positive dans le monde. Nous devenons plus à même de donner envie à d’autres personnes à nous rejoindre et à s’impliquer avec nous dans les changements positifs. De cette manière nos projets sont renforcés, nous avons davantage de liens sociaux, de solidarité, et aussi de possibilités de se reposer chacun·e à notre tour. Et la transition est alors un bien meilleur chemin.